<142>régence entre les mains du duc d'Orléans. L'Europe était comme une mer agitée qui gronde encore après l'orage, et ne se calme que successivement.
Les malheurs de Charles XII ne l'avaient point corrigé de ses passions : son ressentiment, qui le suivit en Suède, éclata contre le Danemark. Il attaqua la Norwége, ayant avec lui le prince héréditaire de Hesse, qui venait d'épouser sa sœur, la princesse Ulrique.a Il prit Christiania; mais, ne pouvant forcer la citadelle de Friedrichshall, et manquant de subsistances, il abandonna ses conquêtes.
L'appréhension des Russes l'avait retenu en Scanie; il fit cependant cette année une nouvelle irruption en Norwége : il assiégea Friedrichshall, et fut tué dans la tranchée. Cette valeur dont il était si prodigue, lui devint funeste : un coup de fauconneau, tiré d'une bicoque, termina la vie d'un prince qui faisait trembler le Nord, dont la valeur tenait de l'héroïsme, et qui aurait été le plus grand homme de son siècle, s'il avait été modéré et juste. La mort de ce prince fut le signal de l'armistice : les Suédois levèrent le siége de Friedrichshall; ils repassèrent leurs frontières, et les Danois ne les suivirent pas.
Avec Charles XII expirèrent ses projets de vengeance. Il était encore occupé des plus vastes desseins : animé contre le roi George d'Angleterre, qui lui avait enlevé les duchés de Brême et Verden, il allait former une alliance avec le Czar, afin de chasser la maison de Hanovre d'Angleterre, et d'y rétablir le Prétendant. Görtz, qui succéda au comte de Piper dans le ministère de Suède, était dans le Nord ce qu'Alberoni était dans le Sud : ses intrigues agitaient tous les cabinets des princes. Ses desseins ne se bornaient point à l'Europe. Il était né pour devenir le ministre d'Alexandre ou de Charles XII, mais en formant les plus grands desseins, il surchargeait la Suède d'impôts, afin de pouvoir les exécuter. La misère du peuple, et la faveur dont il jouissait, lui attirèrent la haine du public. Dès que la nouvelle de la mort du Roi se répandit, la nation fit le procès à son ministre; l'envie inventa un nouveau crime pour le charger : il fut accusé d'avoir calomnié la nation auprès du Roi, et il eut la tête tranchée. En punissant
a Ulrique-Éléonore.