<143>Görtz, les Suédois flétrissaient indirectement la réputation d'un héros dont ils adorent encore à présent la mémoire; mais le peuple est un monstre composé de contradictions, qui passe impétueusement d'un excès à l'autre, et qui, dans ses caprices, protége ou opprime le vice et la vertu indifféremment. Le trône vacant de Suède fut rempli par Ulrique, sœur de Charles XII et épouse du prince héréditaire de Hesse-Cassel.
Frédéric-Guillaume ne put s'empêcher de répandre quelques larmes, lorsqu'il apprit la mort prématurée de Charles XII. Il estimait les grandes qualités de ce prince, dont il était devenu l'ennemi à regret et par une espèce de violence. L'exemple de Charles XII avait fait tourner la tête à bien des petits princes d'Allemagne trop faibles pour l'imiter. Le duc Charles-Léopold de Mecklenbourg forma le projet ambitieux de lever une armée; et, pour fournir aux frais de son entretien, il foula ses sujets par des vexations énormes. Le poids des impôts s'appesantit à un point, que la noblesse, excédée, en porta ses plaintes à Vienne, où elle fut appuyée par Bernstorff, ministre de Hanovre, mais Mecklenbourgeois de naissance. Il obtint de l'Empereur un décret fulminant contre le duc. Quoique ce prince eût épousé la nièce du Czar, pour s'assurer d'une puissante protection, cela n'empêcha pas l'Empereur, poussé par Bernstorff, de donner un décret de commission à l'électeur de Hanovre et au duc de Brunswic, pour prendre ce pays en séquestre. Le roi de Prusse se plaignit à Vienne de ce qu'étant directeur du cercle de la Basse-Saxe, ce décret ne lui avait point été adressé. L'Empereur lui répondit : qu'il était contre les lois de l'Empire de charger le Roi de ce séquestre, à cause qu'il avait l'expectative sur le Mecklenbourg; sur quoi le Czar déclara qu'il ne souffrirait jamais qu'on opprimât un prince qui venait d'entrer dans sa famille. Ce qui arrêta le plus Frédéric-Guillaume dans cette affaire, c'est que le roi d'Angleterre ayant eu l'adresse de se faire médiateur de la paix que la Prusse négociait en Suède, devait alors être traité avec beaucoup de ménagement, de sorte que les Hanovriens restèrent en possession du séquestre, dont ils font monter les frais à quelques millions. Cette affaire est demeurée en ces termes, et elle y est encore au temps que nous écrivons cette histoire.