<155>digne de gouverner un État qu'elle avait sauvé; il la déclara son épouse, et elle fut couronnée impératrice. Cette princesse gouverna la Russie avec sagesse et avec fermeté, et elle continua d'observer les engagements que le Czar avait pris avec l'empereur Charles VI.

Pendant que toute l'Europe s'armait, Louis XV épousa la fille de Stanislas Leszczynski, roi détrôné de Pologne. Le duc de Bourbon, qui avait choisi la reine de France, se maria peu de temps après avec la princesse de Rheinfels, dont la beauté était touchante. On prétend que le roi de France lui dit qu'il choisissait mieux pour lui-même que pour les autres. Cependant la reine de France marqua, dans la suite, qu'elle réparait, par son cœur et par son caractère, les charmes passagers d'une beauté que le moindre accident fait évanouir.

Toute l'année 1726 se passa en préparatifs de guerre. Trois vaisseaux de ligne moscovites vinrent hiverner en Espagne, dans le port de Saint-André. Les Anglais mirent trois flottes en mer, dont l'une fit voile aux Indes, l'autre, sur les côtes d'Espagne, et la troisième, vers la Baltique. La France augmenta ses régiments, et créa une milice forte de soixante mille hommes.

Le Roi se trouvait dans une situation difficile et embarrassante, à la veille d'une guerre dont il courait le plus grand risque, sans assurances des secours de ses alliés, exposé à l'irruption des Moscovites et devenant l'exécuteur d'un plan qu'on lui cachait. On avait désigné les provinces qu'on voulait conquérir, mais on n'avait pas réglé le partage qu'on en voulait faire; et, pour tout dire, le ministre hanovrien du roi George affectait de traiter le roi de Prusse en puissance subalterne. Tant de dangers, si peu d'avantage, et cet excès d'arrogance, dégoûtèrent le Roi du ton impérieux que ses alliés affectaient de prendre avec lui; et, dès ce temps, il pensa à trouver ses sûretés ailleurs.

Cette année fut funeste aux premiers ministres. Le duc de Ripperda fut congédié et arrêté à Madrid, pour avoir fait le traité de Vienne; il se sauva de prison, et passa chez le roi de Maroc, où il mourut peu de temps après. Le duc de Bourbon eut un sort plus doux, mais à peu près semblable : l'adresse de l'ancien évêque de Fréjus, précepteur du roi de France, le fit exiler; le