<158>enrôlés. Le roi d'Angleterre, qui était à Hanovre, fit arrêter, par représailles, quarante soldats prussiens qui traversaient son pays avec des passe-ports. Ces princes ne cherchaient que des prétextes pour se brouiller; quelquefois même les rois s'épargnent cette peine. Le roi de Prusse trouva son honneur intéressé dans l'affaire des petits prés et dans l'arrêt des quarante soldats, et il s'abandonnait à sa haine et à son ressentiment. L'Empereur attisait ce feu; il aurait été bien aise de voir que les princes les plus puissants de l'Allemagne s'entre-détruisissent. Il promit un secours de douze mille hommes; le roi de Pologne, mécontent de celui d'Angleterre, en offrit un de huit mille hommes.
Toute la Prusse était déjà en mouvement; les troupes filaient toutes vers l'Elbe : Hanovre trembla. George, qui ne s'attendait point à la guerre, somma la Suède, le Danemark, la Hesse et le Brunswic, qui recevaient des subsides anglais, de lui fournir des troupes; et il sonna le tocsin en France, en Russie et en Hollande. L'Empereur, dans l'intention d'encourager le Roi à cette rupture, lui garantit toutes ses possessions du Wéser et du Rhin. Cette affaire allait devenir des plus sérieuses, lorsqu'elle prit inopinément une face différente. Le Roi assembla un conseil, composé de ses principaux ministres et de ses plus anciens généraux; il leur proposa l'état de la question, et leur demanda leur sentiment. Le maréchal de Natzmer, qui était un janséniste protestant, fit un long discours par lequel il déplora la religion protestante, prête à se voir éteinte par la dissension des deux seuls princes d'Allemagne qui en étaient les protecteurs. Les ministres appuyèrent sur les raisons secrètes qu'avait la cour impériale d'aigrir les esprits avec tant de malice, dans une affaire d'ellemême peu importante, et qui était encore en termes d'accommodement. Un prince qui écoute des conseils est capable de les suivre. Le Roi remporta ce jour sur lui-même une victoire plus belle que toutes celles qu'il eût pu remporter sur ses ennemis : il fit taire ses passions pour le bien de ses peuples, et les ducs de Brunswic et de Gotha furent choisis de part et d'autre pour accommoder ces petits différends.
L'Empereur fit ce qu'il put pour traverser cette négociation; mais elle fut terminée promptement. On relâcha les soldats prus-