<163>Malgré tant de sujets de mécontentement, le Roi maria son fils aîné, par complaisance pour la cour de Vienne, avec une princesse de Brunswic-Bevern, nièce de l'Impératrice. Pendant la célébration de ces noces, on apprit que le roi de Pologne était mort à Varsovie.
Dans le temps que la mort le surprit, il était occupé des plus vastes desseins : il pensait à rendre la souveraineté héréditaire en Pologne. Afin de parvenir à ce but, il avait imaginé le partage de cette monarchie, comme le moyen par lequel il croyait apaiser la jalousie des puissances voisines. Il avait besoin du Roi dans l'exécution de ce projet; il lui demanda le maréchal de Grumbkow afin de s'en ouvrir à lui. Le roi de Pologne voulut pénétrer Grumbkow, et celui-ci voulut également le pénétrer. Ils s'enivrèrent réciproquement dans cette intention, ce qui causa la mort du roi Auguste, et à Grumbkow, une maladie dont il ne se releva jamais. Cependant le Roi fit semblant d'entrer dans les vues d'Auguste; mais en sentant trop bien les conséquences dangereuses, il se concerta avec l'Empereur et la Czarine pour les contrecarrer : ils convinrent d'exclure la maison de Saxe du trône de Pologne, et d'y placer le prince Emmanuel de Portugal. Mais la mort, qui détruisit l'homme et le projet, fit envisager les affaires de Pologne dans un tout autre point de vue.
La cour impériale voulut s'attacher la Saxe, et elle promit de soutenir à main armée l'élection du fils d'Auguste au trône de Pologne, pourvu qu'il garantît cette loi domestique que Charles VI avait établie dans sa maison, loi si connue dans l'Europe sous le nom de Sanction pragmatique. L'impératrice de Russie, qui craignait que Stanislas Leszczynski ne redevînt roi de Pologne, soutenu par la protection de Louis XV, se déclara la protectrice de l'heureux Auguste. De tous les candidats à cette couronne, Stanislas était le plus convenable aux intérêts de la Prusse. La France essaya de porter le Roi à faire entrer un corps de troupes dans la Prusse polonaise, et de la garder en séquestre, de même qu'il en avait usé avec la Poméranie. Mais Frédéric-Guillaume ne voulut rien donner au hasard : il craignait de s'engager dans une guerre qui pourrait le mener trop loin, et qui distrairait ses forces d'un autre côté, tandis que l'Électeur palatin, infirme et