<205>étendu que celui du souverain le plus despotique. Un misérable moine s'éleva contre une puissance si solidement établie; et la moitié de l'Europe secoua le joug de Rome.
Toutes les raisons qui contribuèrent à ce changement extraordinaire, subsistant longtemps avant qu'il vînt à éclore, préparaient d'avance les esprits à ce dénouement. La religion chrétienne était si dégénérée, qu'on n'y reconnaissait plus les caractères de son institution. Rien ne surpassait, dans son origine, la sainteté de sa morale; mais la pente du cœur humain à la corruption en pervertit bientôt l'usage. Ainsi les sources les plus pures du bien sont devenues des principes de toutes sortes de maux pour les hommes : cette religion, qui enseignait l'humilité, la charité et la patience, s'établit par le fer et par le feu; les prêtres des autels, dont la sainteté et la pauvreté devaient être le partage, menèrent une vie scandaleuse; ils acquirent des richesses; ils devinrent ambitieux; quelques-uns furent des princes puissants; le pape, qui originairement relevait des empereurs, s'arrogea le pouvoir de les faire et de les déposer; il fulmina des excommunications; il mit des royaumes en interdit; et il outra si prodigieusement les choses, que de quelque manière que ce fût, il fallait à la fin que le monde se révoltât contre tant d'abus.
La religion changea, ainsi que les mœurs : elle perdit de siècle en siècle sa simplicité naturelle; et, à force de fard, elle devint méconnaissable. Tout ce qu'on y ajouta n'était que l'ouvrage des hommes : il devait périr comme eux. Au concile de Nicée,45 la divinité du Fils fut déclarée égale à celle du Père;46 et le Saint-Esprit, annexé à ces deux personnes, forma la Trinité. On défendit aux prêtres de se marier, par les ordonnances d'un concile de Tolède;47 cependant ils ne se soumirent à la volonté de l'Église que dans le XIIIe siècle; le concile de Trente en fit depuis un dogme. Le culte des images avait été autorisé par le second concile de Nicée;48 et la transsubstantiation fut établie par les
45 L'an 321 [325].
46 Origène et Saint-Justin n'étaient pas de ce sentiment; ce dernier dit, dans son Dialogue [Francof. ad Viadr. 1686. Fol.], p. 316, que la grandeur du Fils n'approche pas de celle du Père.
47 Tenu l'année 400.
48 Tenu en 781 [787].