<207>avec véhémence les abus de l'Église; il arracha d'une main hardie une partie du bandeau de la superstition; il devint bientôt chef de parti; et, comme sa doctrine dépouillait les évêques de leurs bénéfices, et les couvents de leurs richesses, les souverains suivirent en foule ce nouveau convertisseur.
La religion prit alors une forme nouvelle, et se rapprocha beaucoup de son ancienne simplicité. Ce n'est point ici le lieu d'examiner s'il n'eût pas mieux valu lui laisser plus de pompe et d'extérieur, pour qu'elle en imposât davantage au peuple, qui n'est frappé et ne juge que par les sens : il paraît qu'un culte tout spirituel, et aussi nu que l'est celui des protestants, n'est pas fait pour des hommes matériels et grossiers, incapables de s'élever par la pensée à l'adoration des plus sublimes vérités.
La réforme fut utile au monde, et surtout aux progrès de l'esprit humain : les protestants, obligés de réfléchir sur des matières de foi, se dépouillèrent tout d'un coup des préjugés de l'éducation, et se virent en liberté de se servir de leur raison, de ce guide qui est donné aux hommes pour les conduire, et dont au moins ils devraient faire usage pour l'objet le plus important de leur vie. Les catholiques, vivement attaqués, furent obligés de se défendre; les ecclésiastiques étudièrent, et ils sortirent de l'ignorance crasse et honteuse dans laquelle ils croupissaient presque généralement.
S'il n'y avait qu'une religion dans le monde, elle serait superbe et despotique sans retenue; les ecclésiastiques seraient autant de tyrans, qui, exerçant leur sévérité sur le peuple, n'auraient d'indulgence que pour leurs crimes; la foi, l'ambition et la politique leur asserviraient l'univers. A présent qu'il y en a plusieurs, aucune de ces sectes ne sort, sans s'en repentir, des voies de la modération : l'exemple de la réforme est un frein qui empêche le pape de se livrer à son ambition, et il craint avec raison la défection de ses membres, s'il abuse de son pouvoir; aussi devient-il sobre d'excommunications, depuis qu'une pareille démarche lui enleva Henri VIII et le royaume d'Angleterre. Le clergé catholique et le protestant, qui s'observent avec une disposition égale à la critique, sont obligés des deux côtés à garder au moins une décence extérieure; ainsi tout reste en équilibre : heureux, si