<236>sans choix les places qui venaient à vaquer dans l'Académie royale des Sciences; et, par une dépravation singulière, le siècle affectait de mépriser une société dont l'origine était aussi illustre, et dont les travaux tendaient autant à l'honneur de la nation, qu'aux progrès de l'esprit humain.

Pendant que tout ce corps tombait en léthargie, la médecine et la chimie se soutinrent : Pott, Marggraf, et Eller, combinaient et décomposaient la matière; ils éclairaient le monde par leurs découvertes; et les anatomistes obtinrent un théâtre pour leurs dissections publiques, qui devint une école florissante de chirurgie.

Mais la faveur et les brigues remplissaient les chaires de professeurs dans les universités; les dévots, qui se mêlent de tout, acquirent une part à la direction des universités; ils y persécutaient le bon sens, et surtout la classe des philosophes : Wolff fut exilé pour avoir déduit avec un ordre admirable les preuves sur l'existence de Dieu. La jeune noblesse, qui se vouait aux armes, crut déroger en étudiant; et comme l'esprit humain donne toujours dans les excès, ils regardèrent l'ignorance comme un titre de mérite, et le savoir comme une pédanterie absurde.

La même raison fit que les arts libéraux tombèrent en décadence : l'Académie des Peintres cessa : Pesne, qui en était le directeur, quitta les tableaux pour les portraits; les menuisiers s'érigèrent en sculpteurs, et les maçons, en architectes. Un chimiste, nommé Böttger, passa de Berlin à Dresde, et donna au roi de Pologne le secret de cette porcelaine qui surpasse celle de la Chine par l'élégance des formes et la finesse de la diaprure.

Notre commerce n'était pas encore né : le gouvernement l'étouffait, en suivant des principes qui s'opposaient directement à ses progrès. Il n'en faut point conclure que la nation manque de génie propre au négoce. Les Vénitiens et les Génois furent les premiers qui le saisirent : la découverte de la boussole le fit passer chez les Portugais et les Espagnols; il s'étendit ensuite en Angleterre et en Hollande; les Français s'y appliquèrent des derniers, et ils regagnèrent de vitesse ce qu'ils avaient négligé par ignorance. Si les habitants de Danzig, de Hambourg, de Lübeck, si les Danois et les Suédois s'enrichissent tous les jours par la navi-