<55>que l'aversion qu'elle avait pour Charles-Gustave, qu'on lui voulait faire épouser, avait poussé cette princesse à quitter la souveraineté; les savants la louèrent trop de ce qu'elle avait renoncé aux grandeurs par amour de la philosophie : si elle avait été véritablement philosophe, elle ne se serait point souillée du meurtre de Monaldeschi, et elle n'aurait point regretté, comme elle le fit à Rome, les grandeurs qu'elle avait quittées. Aux yeux des sages la conduite de cette reine ne parut que bizarre; elle ne méritait ni louange ni blâme d'avoir quitté le trône : une action pareille n'acquiert de grandeur que par l'importance des motifs qui la font résoudre, par les circonstances qui l'accompagnent, et par la magnanimité dont elle est soutenue.

A peine Charles-Gustave fut-il monté sur le trône, qu'il s'occupa des moyens de se signaler par les armes. Il s'en fallait de six ans que la trêve que Gustave-Adolphe avait faite avec la Pologne, ne fût expirée : son dessein était de porter Jean-Casimir, qui depuis l'an 1648 avait été élu roi à la place de Ladislas, à renoncer aux prétentions que la couronne de Pologne formait sur celle de Suède, et à lui céder la Livonie. Frédéric-Guillaume, qui se défiait de Charles-Gustave, pénétra dès lors quels étaient ses desseins; mais pour flatter ce prince, il termina par sa médiation les démêlés que la régence suédoise de Stade avait avec la ville de Brême, relatifs aux libertés de cette ville anséatique.

Les Suédois, qui publiaient que leurs armements ne regardaient que la Russie, demandèrent à l'Électeur ses ports de Pillau et de Memel, de même que Gustave-Adolphe avait demandé à George-Guillaume ses forteresses de Cüstrin et de Spandow. Les conjonctures avaient bien changé depuis ces temps-là; et le prince auquel les Suédois s'adressaient, était bien un autre homme que George-Guillaume : l'Électeur rejeta avec hauteur les demandes qu'on lui avait faites avec indiscrétion, ajoutant que si l'intention du roi de Suède était positivement d'attaquer la Russie, il s'engageait de fournir un corps de huit mille hommes pour cette guerre; d'autant plus que les progrès des Moscovites en Pologne lui faisaient appréhender qu'ils ne s'approchassent de ses frontières. Cette défaite artificieuse fit connaître aux Suédois que l'Électeur n'était ni timide ni dupe.