<69>allonger son discours : le sermon dura près de trois heures;b ce qui leur donna le temps d'arranger les choses, de façon que ce projet vint à manquer. Les troupes de l'Empereur refusèrent d'agir; et l'Électeur crut qu'il n'était pas assez fort pour se mesurer seul contre la France, sans le secours de ses alliés.

Ce prince, ne pouvant pas vaincre Turenne par les armes, le vainquit dans cette campagne par générosité. Un Français, nommé Villeneufve, qui était dans le camp de Turenne, offrit à l'Électeurc d'assassiner son général : Frédéric-Guillaume eut horreur de ce crime, et avertit Turenne de se garder du traître, ajoutant qu'il embrassait avec plaisir l'occasion de lui témoigner que l'estime qu'il avait pour son mérite, n'était point altérée par le mal que les Français avaient fait souffrir à ses provinces.

Les Hollandais devaient les subsides qu'ils s'étaient chargés de payer; l'Empereur et l'Espagne n'avaient point encore pris parti contre la France, et toutes les provinces que l'Électeur possédait en Westphalie étaient perdues. Tant de raisons, jointes à son impuissance, disposèrent Frédéric-Guillaume à faire son accommodement avec la France : la paix fut conclue à Vossem, et Louis XIV la ratifia dans son camp devant Mastricht. On lui rendit toutes ses provinces, à l'exception des villes de Rees et de Wésel, que les Français gardèrent jusqu'à ce que la paix avec la Hollande fût conclue. L'Électeur promit de ne plus assister les Hollandais, se réservant toutefois la liberté de défendre l'Empire au cas qu'il fût attaqué : le reste de ces articles de paix roulait sur l'indemnisation des dommages qu'avaient faits les troupes françaises, que Louis XIV promit de payer à l'Électeur. Tous les efforts qu'il fit pour disposer le roi de France à comprendre les Hollandais dans cette paix, furent inutiles; il s'était sacrifié pour sauver cette malheureuse république. Si tant de princes plus puissants que lui eussent imité en partie sa générosité, la Hollande aurait été sauvée plus tôt, et l'Électeur ne se serait pas vu


b Ce récit est tiré des nouvelles historiques de l'armée brandebourgeoise-prussienne, consistant en dix feuilles manuscrites, en langue allemande, et envoyées au Roi, d'après son désir, le 14 mars 1747, par le prince régnant Léopold d'Anhalt-Dessau, fils de Jean-George.

c 10 février 1673. Les documents sont imprimés d'après les originaux dans le Militair-Wochenblatt (Feuille hebdomadaire de l'armée). Berlin, 1836, n° 33.