<75>douze canons avec elle. Les Suédois comptaient dix régiments d'infanterie et huit cents dragons dans leur camp. Malgré l'inégalité du nombre et la différence des armes, l'Électeur ne balança point d'aller aux ennemis, afin de les combattre.
Le 18 de juin, il marche aux Suédois; il confie seize cents chevaux de son avant-garde au prince de Hombourg,a avec ordre de ne rien engager, mais de reconnaître l'ennemi. Ce prince part; et, après avoir traversé un bois, il voit les troupes suédoises campées entre les villages de Hakenberg et de Tarmow, ayant un marais à leur dos, le pont de Fehrbellin au delà de leur droite, et une plaine rase devant leur front. Il pousse les grand'gardes, les poursuit et les mène battant jusqu'au gros de leur corps; les troupes sortent en même temps de leur camp, et se rangent en bataille; le prince de Hombourg, plein d'un courage bouillant, s'abandonne à sa vivacité, et engage un combat qui aurait eu une fin funeste, si l'Électeur, averti du danger dans lequel il se trouvait, ne fût accouru à son secours.
Frédéric-Guillaume, dont le coup d'œil était admirable et l'activité étonnante, fit dans l'instant sa disposition : il profita d'un tertre pour y placer sa batterie; il en fit faire quelques décharges sur les ennemis. L'infanterie suédoise en fut ébranlée; et lorsqu'il vit qu'elle commençait à flotter, il fondit avec toute sa cavalerie sur la droite des ennemis, l'enfonça et la défit. Les régiments suédois du corps et d'Ostrogothie furent entièrement taillés en pièces; la déroute de la droite entraîna celle de la gauche; les Suédois se jetèrent dans des marais, où ils furent tués par les paysans, et ceux qui se sauvèrent, s'enfuirent par Fehrbellin, où ils rompirent le pont derrière eux.
Il est digne de la majesté de l'histoire de rapporter la belle action que fit un écuyer de l'Électeur dans ce combat. L'Électeur montait un cheval blanc; Froben, son écuyer, s'aperçut que les Suédois tiraient plus sur ce cheval, qui se distinguait par sa couleur, que sur les autres : il pria son maître de le troquer contre le sien,a
a Frédéric II, à la jambe d'argent, landgrave de Hesse-Hombourg.
a Jacques-Paul Gundling, dans sa biographie manuscrite du Grand Électeur, composée en 1708 (Ms. boruss. in-fol., n° 167, de la Biblioth. roy. de Berlin), rapporte ce fait de la même manière.