<90>fit une courte analyse de l'état où il laissait ses affaires; il lui recommanda affectueusement de secourir le prince d'Orange dans l'expédition qu'il méditait sur l'Angleterre; il insista surtout sur l'amour et la conservation des peuples qu'il allait gouverner, et les lui recommanda, comme un bon père peut recommander ses enfants en mourant. Il fit ensuite quelques actes de piété, et attendit tranquillement la mort; il expira le 28 d'avrila 1688, avec cette indifférence héroïque dont il avait donné tant de marques dans le cours fortuné de ses victoires.
Il eut deux femmes, Henrietteb d'Orange, mère de Frédéric III qui lui succéda, et Dorothée de Holstein, mère des margraves Philippe, Albert et Louis, et des princesses Élisabeth-Sophie et Marie-Amélie.c
Frédéric-Guillaume avait toutes les qualités qui font les grands hommes, et la Providence lui fournit toutes les occasions de les déployer. Il donna des marques de prudence dans un âge où la jeunesse n'en donne que de ses égarements; il n'abusa jamais de ses vertus héroïques, et n'employa sa valeur qu'à défendre ses États et à secourir ses alliés. Il était prévoyant et sage, ce qui le rendait grand politique; il était laborieux et humain, ce qui le rendait bon prince. Insensible aux séductions dangereuses de l'amour, il n'eut de faiblesse que pour sa propre épouse. S'il aimait le vin et la société, c'était cependant sans s'abandonner à une débauche outrée. Son tempérament vif et colère le rendait sujet aux emportements; mais s'il n'était pas maître du premier mouvement, il l'était toujours du second, et son cœur réparait avec abondance les fautes qu'un sang trop facile à émouvoir, lui faisait commettre. Son âme était le siége de la vertu; la prospérité n'avait pu l'enfler, ni les revers l'abattre. Magnanime, débonnaire, généreux, humain, il ne démentit jamais son caractère. Il devint le restaurateur et le défenseur de sa patrie, le fondateur de la puissance du Brandebourg, l'arbitre de ses égaux, l'hon-
a 29 avril (9 mai, nouveau style).
b Louise-Henriette, première femme du Grand Électeur, porte sur toutes les médailles, ainsi que dans les oraisons funèbres, le simple nom de Louise, qu'elle-même a aussi toujours signé.
c Les enfants du Grand Électeur ne sont pas tous mentionnés ici; et la naissance de Marie-Amélie est antérieure à celle d'Elisabeth-Sophie.