<92>La jeunesse de ces princes eut une destinée à peu près semblable; le Roi, mineur, poursuivi dans son royaume par la Fronde et les princes de son sang, fut, d'une montagne éloignée, le spectateur de ce combat que ses sujets rebelles livrèrent à ses troupes au faubourg Saint-Antoine : le Prince électoral, dont le père avait été dépouillé de ses États par les Suédois, fugitif en Hollande, fit son apprentissage de la guerre sous le prince Frédéric-Henri d'Orange, et se distingua aux siéges des forts de Schenk et de Bréda. Louis XIV, parvenu à la régence, soumit son royaume par le poids de l'autorité royale : Frédéric-Guillaume, succédant à son père dans un pays envahi, rentra en possession de son héritage à force de politique et de négociations.
Richelieu, ministre de Louis XIII, était un génie du premier ordre; des mesures prises de longue main, soutenues avec courage, jetèrent les fondements solides de grandeur sur lesquels Louis XIV n'eut qu'à bâtir : Schwartzenberg, ministre de George-Guillaume, était un traître, dont la mauvaise administration contribua beaucoup à plonger les États de Brandebourg dans l'abîme où les trouva Frédéric-Guillaume lorsqu'il parvint à la régence. Le monarque français est digne de louange, pour avoir suivi le chemin de la gloire que Richelieu lui avait préparé : le héros allemand fit plus, il se fraya le chemin seul.
Ces princes commandèrent tous deux leurs armées : l'un, ayant sous lui les plus célèbres capitaines de l'Europe; se reposant de ses succès sur les Turenne, les Condé, les Luxembourg; encourageant l'audace et les talents, et excitant le mérite par l'ardeur de lui plaire. Il aimait plus la gloire que la guerre; il faisait des campagnes par grandeur; il assiégeait des villes, mais il évitait les batailles. Il assista à cette campagne fameuse dans laquelle ses généraux enlevèrent toutes les places de Flandre aux Espagnols; à la belle expédition par laquelle Condé assujettit la Franche-Comté, en moins de trois semaines, à la France; il encouragea ses troupes par sa présence, lorsqu'elles passèrent le Rhin au fameux gué du Tolhuys, action que l'idolâtrie des courtisans et l'enthousiasme des poëtes fit passer pour miraculeuse. L'autre, n'ayant qu'à peine des troupes, et manquant de généraux habiles, suppléa lui seul par son puissant génie aux secours qui lui