<101>Trop promptement lassé par un luxe ordinaire,
Il vous faut du nouveau dont l'attrait vous sait plaire,
Par des raffinements ressusciter vos goûts,
Recourir à la mode, invention des fous.
Quel terrible embarras de servir votre table!
Souvent votre Joyarda veut se donner au diable
Pour inventer des mets, dignes dons de Cornus,
Sous leurs déguisements à peine encor connus;
Et vous n'apercevez sous tant de mascarades
Que pâtés, hachis fins, farces et marinades,
Vous ne connaissez plus la chair qui vous nourrit,
Satisfait d'assouvir votre avide appétit.
Mais promptement puni d'un excès qui vous flatte,
Il faut avoir recours aux enfants d'Hippocrate,
Et réduire à la casse, à la manne, au séné,
D'un appétit glouton le goût désordonné.
Tels sont tous ces repas goûtés dans l'indolence,
Où l'ennui, compagnon de la magnificence,
Souvent jette au hasard ses languissants pavots,
Fait bâiller l'enjouement et glace les bons mots.
Tandis que les festins, le luxe et la paresse
De vos sens émoussés séduisent la mollesse,
Qu'il en coûte aux humains pour contenter vos goûts!
Que de bras occupés à travailler pour vous!
Regardez ce spectacle, et souffrez que ma muse
De leurs nombreux travaux un moment vous amuse :
Ces objets ne sont bas que pour des ignorants.
Cet immense univers, ces divers éléments
Fournissent vos repas; la féconde nature
Réserve ses faveurs aux enfants d'Épicure :
Nos ruisseaux, nos étangs vous donnent leurs poissons,
L'air donne ses oiseaux, la terre ses moissons,
Et la mer vous présente, en fouillant ses abîmes,
Ces monstres recherchés, malheureuses victimes
De la voracité des célèbres gourmets.
Mais laissons pour un temps tous ces étranges mets,
a Joyard, gendre d'Antoine Pesne, fut trente ans maître d'hôtel du Roi.