<104>Cette boisson des dieux, cette liqueur riante,
Qui vous fait savourer sa mousse pétillante.
Avec plus d'art encor se font ces grands trumeaux
Dont la glace polie, égale et sans défauts,
Vous rend exactement, comme un portrait fidèle,
Les différents objets qui sont vis-à-vis d'elle.
C'est là, tous les matins après votre réveil,
Sur le choix des atours que vous prenez conseil;
Ce miroir, toujours vrai, règle votre parure,
Il vous fait arranger la fausse chevelure
Qu'on emprunta d'autrui, qu'on boucla tout exprès,
Pour que votre front chauve eût de nouveaux attraits.
Et cet habit superbe, avorton de la mode,
Qui, plus il paraît beau, plus il est incommode,
Vous dérobe sous l'or le drap et sa couleur,
Savez-vous qui l'a fait? Ce n'est pas le tailleur
Qui, toisant votre corps, sur son moule façonne
Le drap auné, coupé, recousu, qu'il galonne.
Examinez ces champs, ces bosquets, ces vallons.
Voyez-vous ce berger qui conduit ses moutons?
Il les tond deux fois l'an; leur utile dépouille
Se convertit en fil, passant sur la quenouille.
Pour en faire une étoffe on monte des métiers,
Minerve dans cet art forma les ouvriers;
Que d'hommes occupés, et que de mains adraites
Sur la trame avec bruit font voler les navettes!
Un nouvel univers nous fournit la couleur
Qui fait perdre à ce drap sa malpropre blancheur;
Des couleurs de l'iris on a l'art de le teindre,
Pour lui donner du lustre on emploie un cylindre
Qui de son poids égal en roulant l'aplatit.
Par ces travaux s'est fait le drap qui vous vêtit.
O triomphe de l'art et de l'adresse humaine!
Ces tableaux sont tissus d'or, de soie et de laine,
Un élève d'Apelle en donna le dessin,
Corrége et Raphaël conduisirent sa main;
Ces contours, ces couleurs animent la tenture,