<117>Ces passants par l'odeur à l'instant infectés.
Nos sens n'étaient frappés que d'objets lamentables;
O jours trop désastreux! spectacles effroyables!
A la sombre lueur d'un funèbre flambeau,
Une famille entière est conduite au tombeau,
Et tous ceux qui lui font cette faveur dernière
Dans peu sont tous portés au même cimetière.
Là des monceaux de morts on détournait ses pas;
Où fuir? hélas! partout on trouvait le trépas;
La mort, jusqu'aux saints lieux insultant tout asile,
Fit un sépulcre affreux de cette triste ville,10
La peste avait juré la mort des Prussiens;
Il nous restait si peu des anciens citoyens,
Par les meurtres nombreux qu'avait commis sa rage,
Que ce pays désert semblait un champ sauvage.
Soit que la peste alors, lasse de ses fureurs,
Terminât de nos maux les funestes horreurs,
Ou soit quelle perdît par ce ravage insigne
De son poison mortel l'influence maligne,
Le mal finit enfin, et sous un règne heureux,11
La Prusse répara son destin malheureux.
Le peu de citoyens qui des maux échappèrent,
Secondés par le temps, depuis la repeuplèrent;
La nature attendrie, attentive à nos jours,
Sous le nom de l'amour vint à notre secours;
Tout le peuple nouveau dont la Prusse est remplie
Au pouvoir de ce dieu doit compte de sa vie,
Et l'on n'aperçoit plus dans ces heureux États
Les traces qu'imprimait la fureur du trépas.
Si ces calamités troublaient l'ordre des choses,
La main du Tout-Puissant arrêterait leurs causes;
Mais ce qui nous paraît un malheur capital
N'est rien, quand on le voit d'un coup d'œil général.
Que cette vérité, quoique dure et sévère,
Ne nous éloigne point du plaisir nécessaire;
10 Königsberg.
11 Celui du feu roi.