<121>Je les ai conjurés que ma stérile flamme
Pût encor procurer un seul fils à ma femme;
Mes avides neveux désirent mon trépas,
Mes biens accumulés seront pour des ingrats. »
Quelques collatéraux qui près de lui passèrent,
Bras dessus, bras dessous, vivement l'embrassèrent,
Et de mille fâcheux qui discouraient sans choix
Le bruyant carillon fit étouffer sa voix.
Nous entendons chanter, on éclatait de rire;
Tous ceux qui de l'amour sentaient le doux empire
Auprès de leurs beautés faisaient les doucereux.
Un homme très-rêveur était tout auprès d'eux,
Il se promenait seul d'un pas grave et stoïque,
En se frottant le front d'un air mélancolique;
Ses yeux fixés sur terre exprimaient sa douleur.
Touché de ses soupirs, ému de son malheur,
Lui promettant mes soins et ma faible assistance,
Je le presse surtout de rompre le silence.
« Ah! puisse Bestusheff périr tragiquement! »
Reprit-il, et soudain me quitte brusquement.
Théophile, à la fin, brûlant d'impatience,
S'écria : « Dieu, quels gens! ah! quelle extravagance!
Partons, et dès demain revenons tous les deux;
Puisse le juste ciel écarter les fâcheux,
Et nous favoriser d'un temps doux et propice! »
« Apercevez du moins quelle est votre injustice,
Vous, dis-je, qui frondez tous ces gens à projets;
Vous en formez ici pour de moindres sujets.
Au lieu de relever les faiblesses des autres,
Il serait plus sensé de corriger les vôtres;
Jouissons dès ce soir de ce charmant jardin :
Le présent est plus sûr que n'est le lendemain,
Souvent un ciel serein se couvre de nuages,
Aux charmes des beaux jours succèdent les orages. »
Mon frère, je vous fais le tableau de nos mœurs.
Voyez ces insensés, en proie à leurs erreurs,