<122>Dévorés de désirs et nourris de chimères,
S'élever follement au-dessus de leurs sphères,
Attristés du passé, dégoûtés du présent,
Fonder sur l'avenir leur espoir inconstant;
D'un bonheur idéal soigneux de se repaître,
Ils vivent dans les temps qui doivent encor naître,
Et vont en étourdis importuner les dieux
De frivoles projets, de vœux audacieux.
Remplissez leurs souhaits, la colère céleste
Ne put jamais leur faire un présent plus funeste.
Mais ouvrons à leurs yeux le palais des destins.
Observez ce concours de malheureux humains
Qui, passant tour à tour de l'espoir à la crainte,
Mécontents de leur sort, au dieu portent leur plainte.
Il leur répond à tous : « Tremblez, faibles mortels;
Renoncez à changer mes décrets éternels,
Connaissez l'avenir, la liaison des choses,
L'enchaînement des faits assujettis aux causes.
Tout obéit aux lois de la nécessité;
Voyez, voilà le Temps, voilà la Vérité,
Ils vont hâter pour vous l'ordre des destinées,
Présenter à chacun le cours de ses années.
Dans l'immense avenir quel est l'événement
Qui peut remplir les vœux de votre égarement?
Quittez les vains projets où votre espoir se fonde,
Vos vœux dans le chaos replongeraient le monde,
C'est par mes sages lois que je l'ai maintenu,
Rien ne doit se changer lorsque tout est prévu.
Les sorts sont partagés, soyez contents des vôtres,
Ceux que vous désirez font les destins des autres,
Et si j'avais été flexible à vos soupirs,
Vous seriez tous punis par vos propres désirs.
Toi, guerrier imprudent, un autre tient ta place.
Vois sa funeste fin, frémis de son audace :
Il aimait les dangers, il cherchait les combats;
Le voilà moissonné par la faux du trépas.