<134>A ces mots nos guerriers, pleins d'un noble courroux,
S'élancent aux combats; les cieux leur sont propices,
Les forêts, les torrents, les monts, les précipices
Que la Saxe étonnée enferme dans son sein,
Rien ne peut s'opposer à leur heureux destin.
Sur ses remparts affreux l'ennemi se rassure,
Il faut vaincre à la fois et l'art et la nature;
Ils volent sur des monts tout chargés de frimas,
Que défendait le feu, le fer et le trépas;
Ils volent, rendez-vous, cédez à leur courage,
Cédez, faibles efforts d'une impuissante rage.
La mort fond sur Bredowb par des coups imprévus;
O mort cruelle! arrête, épargne ses vertus.
Des ennemis altiers l'espérance est détruite,
Vers Dresde consternée ils prennent tous la fuite.
Ah! Polentz, Kleist, Rintorf,b quels coups vous ont percés!
Vous nous rendez vainqueurs, grand Dieu! vous périssez!
Quel barbare a sur vous porté sa main sanglante?
Il n'est plus d'ennemis, leur rage est impuissante,
La Prusse a triomphé, dans ces fameux combats,
Du terrain, des saisons, du nombre, des soldats,
Et la gloire à vos mains en était réservée.
La patrie, en ce jour par vos exploits sauvée,
Notre triste patrie, en proie à ses douleurs,
Appelle en gémissant ses vaillants défenseurs;
Vos périls l'ont plongée en d'affreuses alarmes,
Et vos lauriers sanglants sont baignés de ses larmes;
Oui, mânes généreux, nos regrets vous sont dus,
Notre reconnaissance égale vos vertus.
Telle est de nos héros la valeur admirable.
Tel est le point d'honneur, pur, simple et véritable,
Fécond en grands exploits, soumis à son devoir,
b Le général Asmus-Ehrentreich de Bredow, le même à qui l'Épître X est adressée, fut blessé à la bataille de Kesselsdorf.
Le général-major Samuel de Polentz, le colonel de Rintorf (nommé, le 18 décembre 1745, commandeur du régiment d'infanterie d'Alt-Würtemberg, no 46) et le major Joachim-Erdmann de Kleist moururent des suites des blessures qu'ils avaient reçues à la bataille de Kesselsdorf. Voyez t. III, p. 187 et 188.