<146>Ces cœurs humiliés, vaincus par la souffrance,
Se remplissent d'espoir, d'ardeur, de confiance :
Les peuples sont toujours ce que les font leurs rois.
Ma princesse a fixé les destins des Suédois,
Toutes les passions se taisent devant elle,
Il n'est plus d'envieux, il n'est plus de querelle,
L'ordre renaît du sein de la confusion,
On sacrifie enfin la haine à l'union.
Qu'Homère vainement vante Penthésilée,a
Que Mars guide ses pas au fort de la mêlée,
Des bords du Thermodon aux bords du Simoïs,
Quels que soient son courage et ses faits inouïs,
Des flammes qu'en ces murs la vengeance déploie
Son bras ne peut sauver la malheureuse Troie,
Cette brave Amazone, en ces champs pleins d'horreurs,
Ne combattit cent rois que pour voir des malheurs;
Qu'en vers harmonieux le sublime Virgileb
Dans le camp des Latins nous dépeigne Camille,
Dont les faibles secours, les stériles vertus
Ne purent soutenir le bon roi Latinus :
Votre gloire, ma sœur, plus sûre et plus brillante,
Mériterait au moins qu'un Voltaire la chante;
Mon cœur en est ému, j'admire vos exploits,
Mais pour tout exprimer je n'ai termes ni voix,
Le seul pinceau d'Apelle osait peindre Alexandre;
Si ma témérité m'a fait trop entreprendre,
C'est qu'un si beau sujet soutient seul un auteur.
C'est donc vous que je vois à ce point de grandeur!
C'est donc vous qui donnez à la Suède enchantée
Ce feu divin qu'aux cieux déroba Prométhée!
Votre exemple étonnant porte la fermeté
Jusqu'au sein palpitant de la perplexité;
Ce peuple libre et fier, ma sœur, qui vous admire,
Apprend à soutenir l'honneur de votre empire;


a C'est Virgile qui célèbre Penthésilée. Voyez Énéide, livre I, v. 491.

b Énéide, livre XI, vers 532 et 848.