<157>Occupés de plaisirs, au sein de la mollesse,
Ces fainéants heureux respectent leur paresse;
Les affaires iront selon le gré des dieux,
Tous les événements étaient prévus par eux,
Et le soin que du monde a pris la Providence
De travaux superflus en honneur les dispense.
Leur lâche quiétude adopte ces raisons,
Et perd dans ses langueurs les jours et les saisons;
Ces fardeaux de la terre, engourdis sur le trône,
Insensibles pour nous, tendres pour leur personne,
Semblables par leurs mœurs aux rois orientaux,
Sans procurer le bien, tolèrent tous les maux.
Si la Saxe, autrefois puissante et fortunée,
A vu depuis dix ans changer sa destinée,
Préparer sa ruine, abaisser son crédit,
Ses peuples opprimés, son fonds à rien réduit,
N'en chargez point leur prince, il n'est point tyrannique,
Rien ne peut remuer son âme léthargique;
Condamnez sa faiblesse et son oisiveté :
S'il cause tous leurs maux, c'est sans méchanceté,
Il s'endort sur des fleurs, et ses mains incertaines
De l'État chancelant laissent flotter les rênes.a
Avec ces vieux abus, la mollesse des cours,
L'oisiveté des grands, le monde va toujours;
Mais les vices des rois sont la première cause
Que pour le bien public se fait si peu de chose.
Réprimons la satire, épargnons nos égaux :
Ah! serions-nous les seuls exempts de ces défauts?
Avons-nous en tout temps la même vigilance,
Dans nos travaux divers la même prévoyance?
Et n'est-il pas des jours où l'esprit détendu,
Incapable d'agir, demeure sans vertu,
Où, loin d'approfondir le tout ou sa partie,
A peine glissons-nous sur la superficie?


a Réminiscence de la Henriade, ch. I, v. 21 et 22 :
     

Valois régnait encore, et ses mains incertaines
De l'État ébranlé laissaient flotter les rênes.