<158>De ma légèreté vous me voyez rougir,
La mort est un repos, mais vivre c'est agir;
Le temps qui fuit toujours aurait dû nous apprendre
Que nos jours sont comptés, qu'il ne faut rien suspendre,
Qu'il faut par les cheveux saisir l'occasion,
Et passer constamment ses jours dans l'action.
La Parque coupe en vain le fil de notre vie,
Nous l'allongeons assez dès qu'elle est bien remplie,
Dès que nous dirigeons au bonheur des humains
L'usage du pouvoir qui repose en nos mains;
A ce but nos desseins doivent tous se réduire,
L'âme est inépuisable et peut toujours produire.
Voyez ces orangers, féconds dans tous les temps :
La séve leur fournit ses tributs abondants;
Ces fleurs, ces pommes d'or qu'ils produisent sans cesse
Semblent nous reprocher notre indigne paresse.
Si je chante en mes vers la mâle activité,
Ne me supposez point follement entêté
De ces esprits ardents qui désolent la terre,
Et par inquiétude entreprennent la guerre.
Non, je n'admire point ce fougueux roi du Nord
Qui, cherchant les travaux, les dangers et la mort,
N'ayant d'autre plaisir que le trouble des armes,
A détrôner les rois trouva ses plus doux charmes,
Et, loin de ses sujets, qu'il ne gouvernait pas,
Conquérait la Pologne, en perdant ses États.
Mais dans un citoyen revêtu de puissance
Je blâme hautement le goût de l'indolence;
Son emploi, son honneur, son plaisir, son pouvoir,
Tout devrait l'animer à remplir son devoir;
S'il est trop négligent, il est un infidèle,
Et la paresse en lui peut être criminelle.
On n'a pas de mérite à s'abstenir du mal,
Être ardent pour le bien, c'est le point principal.
Si l'on daigne approuver qu'un poëme agréable
Orne la vérité des attraits de la fable,
Si la naïveté peut être de saison