<184>Résiste à la tempête et brave le tonnerre;
Le crime essaye en vain de souiller son honneur,
Et l'envie impuissante en frémit de fureur;
Il est comme un vaisseau qui triomphe d'Éole,
Ses voiles sont l'esprit, la gloire est sa boussole,
Son jugement le sert comme un pilote heureux,
Les ouragans qu'il craint sont ses désirs fougueux,
Le rivage charmant où tend son espérance,
C'est un port peu connu, la bonne conscience;
Dans ce port fortuné, terme de ses succès,
Il jouit constamment d'une éternelle paix.
Pourrait-on présumer qu'une vertu si pure
Sortît souvent des mains de l'avare nature,
Et pour notre malheur n'observons-nous donc pas
Pour un cœur généreux qu'on trouve mille ingrats?
Cette perfection, cette sagesse égale,
C'est la Vénus des Grecs a en genre de morale.
Éprouvons au creuset tous vos esprits charmants,
J'y vois peu de solide et beaucoup d'agréments;
C'est un propos léger plein de plaisanterie,
Un ton de politesse et de galanterie;
Mais gardez-vous bien d'eux, un rien peut les piquer,
Et malheur à celui qu'ils voudront attaquer!
Il n'est dans leur commerce aucun lien durable,
Point de pouvoir sacré, point de droit respectable;
Bienfaiteurs, ennemis, à leurs yeux sont égaux,
Nulle empreinte ne tient dans leurs légers cerveaux;
Ils vous sacrifieront pour un trait de folie,
Sans dessein, sans objet, tout sert à leur saillie,
Ils brodent en riant vos plus légers défauts,
Ils mourraient, s'il fallait ravaler leurs bons mots.
S'ils empruntent de vous, c'est pour ne rien vous rendre,
En vain vous les pressez, il n'en faut rien attendre,
Ou leur ingratitude, oubliant vos bienfaits,
Jusqu'à la trahison portera leurs forfaits;
Dangereux par leur langue, ils le sont par leur plume :
a Fameuse statue de Phidias. (Note de l'édition in-4 de 1760, p. 286.)