ÉPITRE XVII. A CHASOT.a SUR LA MODÉRATION DANS L'AMOUR.
Ne pensez point, Chasot, vous que l'amour possède,
Que, marchant sur les pas du fougueux Diomède,
En vers injurieux j'ose blesser Vénus;
Pour les dieux des plaisirs mes respects sont connus,
Si j'attaque l'amour, c'est qu'il peut souvent nuire,
Je veux le modérer, et non pas le détruire :
Conservez votre vue à travers son bandeau.
Un amant me paraît dépourvu de cerveau,
Quand pieds et poings liés il se livre au caprice
D'un sexe plein d'appas, mais rempli de malice,
Qui, de nos passions saisissant les travers,
S'en sert adroitement pour nous donner des fers.
Pensez-vous qu'à l'Amour, comme au seul dieu suprême,
Il faut immoler tout, jusqu'à la vertu même?a
Votre raison répugne à de tels sentiments.
a Le chevalier Isaac-François-Egmont de Chasot, ami de jeunesse du Roi, devint en 1741 capitaine de cavalerie dans le régiment de Baireuth dragons, major en 1743, et lieutenant-colonel en 1760 : il quitta le service de Prusse le 17 février 1752. Depuis, le chevalier de Chasot fut plus de trente ans commandant de Lübeck, avec le grade de lieutenant-général danois. Il fut inhumé à Lübeck, le 30 août 1797. Voyez t. III, p. 129 et 160.
a Boileau, Satire X, v. 137 et 138.