<214>Un roi doit soutenir la majesté du trône;
Tout plein de la grandeur dont l'éclat l'environne,
Fier envers ses voisins et toujours dédaigneux,
Il doit vivre d'encens, égal en tout aux dieux.
Qu'importe le savoir? la science parfaite,
C'est de connaître à fond les lois de l'étiquette :
Cette règle des cours occupe auprès des grands
Ces oisifs affairés qu'on nomme courtisans.
Oui, marmottez tout bas au ministre en silence
Un compliment obscur dans un jour d'audience,
Soyez chasseur outré, forcez-vous à jouer,
Et surtout sans rougir entendez-vous louer;
Empressez-vous au prône, et bâillez au spectacle,
Soyez morne au souper, ne parlez qu'en oracle,
Et par air de grandeur affectez de l'amour :
Voilà comment un roi doit ennuyer sa cour,
Tel était le métier qu'il vous fallait apprendre.
Vos plaisirs, mon esprit, ont droit de me surprendre;
L'étude, qui pour vous a tant de volupté,
Déroge à vos grandeurs, et perd la royauté.
Je vous dirai bien plus : pour comble de manie,
On vous dit possédé de la métromanie;
Oui, vous êtes poëte en dépit d'Apollon.
Pouvez-vous renier ce poëme bouffon a
Où, d'un style mordant blessant toute la terre,
Vous critiquez les cieux au mépris du tonnerre,
Et sur Homère même aiguisant vos bons mots,a
Vous attirez sur vous l'essaim de ses dévots?
Pouvez-vous ignorer que, sous différents titres,
On voit courir de vous des odes, des épîtres,
Où, comme La Neuville,a échauffant vos poumons,


a Le Palladion, ch. I, v. 15-27.

a Anne-Joseph-Claude Frey de Neuville, jésuite et sermonnaire, né en 1693, mourut en 1774. 11 prêcha à Paris pour la première fois en 1736, et il mérita d'imposants suffrages. Dans sa lettre à Jordan, du 27 juin 1743, Frédéric fait allusion à l'oraison funèbre du cardinal Fleury par le P. Neuville, qui a été fort vantée.