<219>Notre origine est pure, elle nous vient des cieux;
Apollon nous plaça vers le haut du Permesse,
C'est l'immortalité qui fait notre noblesse.
Ah! si jamais les grands n'avaient fait que des vers,
Qu'ils auraient épargné de maux à l'univers!
César, moins enivré d'un pouvoir despotique,
Aurait par de beaux vers charmé sa république;
On n'aurait point connu ces deux triumvirats.
Sanguinaires liens d'illustres scélérats
Qui sur les grands de Rome exerçaient leur vengeance;
Si le héros du Nord, si fier de sa vaillance,
Moins roi, moins souverain que chevalier errant,
Au lieu d'être amoureux d'Alexandre le Grand,
Eût choisi pour modèle Horace ou bien Pindare,
Il n'eût point imploré le Turc et le Tartare.
Les Muses, de tout temps, ont adouci les mœurs :
Leurs exploits sont des jeux, leurs armes sont des fleurs;
Dans les tranquilles bois où ces nymphes habitent,
Des plaisirs délicats les charmes les excitent;
Leurs cœurs ne sont touchés que par le sentiment. »
Mais que dis-je? à quoi sert ce long raisonnement?
Quel flux impétueux d'éloquence frivole!
Quel inutile abus du don de la parole!
Ce n'est pas contre moi que vous devez plaider,
C'est l'univers entier qu'il faut persuader.
Il ne se nourrit point d'une vaine fumée,
Sa critique surtout, vivement animée,
Rit de vos méchants vers. « Mais quoi! s'ils étaient bons,
Et s'ils pouvaient charmer, en variant leurs sons,
D'Argens, Algarotti, si Maupertuis les loue,
Si l'Homère françaisa lui-même les avoue,
Si la postérité ... » Quelles sont vos erreurs!
Connaissez, mon esprit, le poison des flatteurs :
Leurs sons, plus dangereux que le chant des sirènes,
Peuvent bien enchanter vos veilles et vos peines,
Mais imitez Ulysse, et sourd à leurs accents,


a Voyez ci-dessus, p. 76.