<246>Il fallait arrêter par des coups éclatants
D'un heureux ennemi les succès trop constants.
Dans ce jour décisif pour l'Espagne et la France,a
L'audace du héros fit plus que la prudence;
Un chef plus circonspect et moins entreprenant
N'aurait point hasardé ce combat important;
L'Espagnol, enhardi par ce Français timide,
Vers Paris eût poussé sa fortune rapide.
Voyez du fond du Nord, où règnent les hivers,
Cette flotte étrangère avancer sur nos mers :
Elle porte Gustave et le sort de l'Empire,
Des Germains divisés la discorde l'attire,
La prudence le guide, et Mars est avec lui.
Des peuples opprimés trop dangereux appui,
Il vient, il est armé contre la tyrannie
Dont Vienne menaçait la fière Germanie;
Gustave s'établit sur les bords de la mer,
Où Stralsund lui présente un port toujours ouvert.
Là, soit que le destin protége son audace,
Ou que du sort jaloux il sente la disgrâce,
Il est sûr des secours qu'arment ses défenseurs
Pour servir sa fortune ou venger ses malheurs.
Il marche en conquérant, le bonheur l'accompagne,
Il parcourt, il délivre, il dompte l'Allemagne,
Il remet dans leurs droits cent princes outragés :
Protecteur redoutable à ceux qu'il a vengés,
A ses desseins secrets il fait servir sa gloire;
Si la Parque fatale, au sein de la victoire,
N'eût arrêté sa course et tranché son destin,
L'Empire aurait nourri deux maîtres dans son sein.
Là, regardez Eugène et sa marche hardie,
Quand l'empire des Lis tenait la Lombardie :
Les Alpes au héros préparent le chemin,
Il les franchit, il vole, il délivre Turin;
Marsin, qui défendait une trop vaste enceinte,
Vit partout son armée à la fuite contrainte,


a Voyez t. VII, p. 100, et ci-dessus, p. 269.