<256>La rage ensanglantée et les sombres fureursa
Des glaives infernaux vont armer les vainqueurs,
La nature en frémit, et le ciel en colère
Fait en vain dans les airs éclater son tonnerre.
Rien n'arrête Tilly; les soldats effrénés,
A la licence, au meurtre, au crime abandonnés,
Ardents, impétueux, frappent, pillent, égorgent;
Du sang des citoyens ces tristes murs regorgent.
Tilly, tranquille et fier de ses affreux succès,
Conduit leur cruauté, préside à leurs forfaits :
Ils forcent les maisons, ils enfoncent les temples,
Le moins féroce même imite ces exemples;
Celui qui leur résiste et celui qui les fuit
Ne saurait éviter le fer qui le poursuit;
Près de sa mère en pleurs l'enfant à la mamelle,
Égorgé sur son sein, tombe et meurt avec elle;
En défendant son fils, le père infortuné
Expire sans venger ce fils assassiné.
On ne voit en tous lieux que des objets horribles;
Ces monstres furieux, aux plaintes inflexibles,
Dans un asile saint, inutile en ces temps,
Massacrent sans remords trois cents vieillards tremblants.
On dit, pour échapper au fer de ces impies,
Que de jeunes beautés, par la honte enhardies,
Cherchant clans le trépas un barbare secours,
Dans l'Elbe ensanglanté terminèrent leurs jours.
Mais quel spectacle affreux vient s'offrir à ma vue!
Où courez-vous, cruels? quelle rage inconnue!
Monstres, où portez-vous ces torches, ces flambeaux?
Vous êtes des démons et non pas des héros.
Déjà sur les palais la flamme se déploie,
Malheureuse cité, tu péris comme Troie.
L'embrasement s'accroît, il gagne en peu de temps,
Il s'élève en tous lieux d'horribles hurlements
De ceux que l'on égorge ou que le feu dévore;
O crimes! ô fureurs que la nature abhorre!


a Ses sombres fureurs. (Variante dé l'édition in-4 de 1760, p. 408.)