<299>Avant que de traiter ces matières sublimes,
Il faut vous arrêter aux premières maximes.
Ainsi, quand l'aigle enseigne à ses jeunes aiglons
L'art de fendre les airs malgré les aquilons,c
Avant d'avoir acquisd les forces paternelles,
La mère, en s'élevant, les porte sur ses ailes.
O vous,e jeunes guerriers qui, brûlant de valeur,
Voulez vouse signaler dans les champs de l'honneur,
Baignés des tendres pleurs que versa votre mère,e

Forge à coups redoublés les foudre des héros,
Ces foudres redoutés entre des mains habiles.
Qui tantôt font tomber les fiers remparts des villes.
Tantôt percent les rangs dans l'horreur des combats.
Et font dans tous les temps le destin des États.
Je peindrai les effets de cette arme cruelle
Qu'inventa dans Bayonne une fureur nouvelle,
Qui, du fer et du feu réunissant l'effort,
Aux yeux épouvantés offre une double mort.
Au sein de la mêlée, au milieu du carnage.
On verra des héros le tranquille courage
Réparer le désordre, et. prompt dans ses desseins.
Disposer, ordonner, enchaîner les destins.
Avant que de traiter ces matières sublimes.
Il faut vous arrêter aux premières maximes.
Ainsi, quand l'aigle enseigne à ses jeunes aiglons
A diriger leur vol au champ des aquilon,
Couverts à peine encor d'une plume nouvelle,
La mère, en s'élevant, les porte sur son aile.
O vous, jeunes guerriers qui, brûlant de valeur,
Prêts à vous signaler dans les champs de l'honneur.
Vous arrachez aux bras d'une plaintive mère.

N'allez point vous flatter, novices à la guerre,
Que vous débuterez par d'immortels exploits.
Passez, sans en rougir, par les derniers emplois :
Sous les drapeaux de Marsa Bellone vous enrôle,
Il faut que le fusilb pose sur votre épaule,
Que votre corps dispos fasse les mouvementsc
Que l'exercice enseigne aux soldats commençants;d
Observez le silence, et, plein de retenue,
Paraissez dans vos rangs ainsi qu'une statue,e
Attentifs à la voix, l'instant même agissez,

c Ce malgré les aquilons fait un peu languir le vers; à braver les rayons du soleil et les aquilons, à fendre les champs des aquilons, etc., enfin des images poétiques :
     

A diriger leur vol aux champs des aquilons.

d La phrase est un peu amphibologique par le tour : avant d'avoir acquis tombe sur le père; c'est avant qu'ils aient acquis; mais il faut éviter les aient, et ces tours sont trop prosaïques.

e Mère au singulier et vous au pluriel ne se peut sauver qu'en disant d'une mère. Je voudrais les peindre déjà partis pour la campagne en s'arrachant aux bras d'une mère.

a Mars peut enrôler sous Bellone, comme Bellone sous Mars. Ce sont des expressions trop générales, et par conséquent faibles.

b Quant au fusil sur l'épaule, ne serait-il pas beau d'essayer de peindre ce qui est exprimé ici? Le mérite de la poésie, et surtout de la poésie didactique, ne consiste-t-il pas à dire singulièrement les choses communes? Ne pourriez-vous pas dire que l'épaule immobile et ferme porte du fusil le fardeau respectable? Il me semble qu'il conviendrait de relever ainsi par une épithète ces premiers emplois dont, vous ne voulez pas qu'on rougisse.

c Fasse les mouvements, un peu trop prosaïque; soit souple aux mouvements ne dirait-il pas la même chose avec énergie?

d Je ne sais si les soldats commençants n'est pas trop faible. Que Mars dans l'exercice enseigne à ses enfants, ou quelque chose de relevé.

e Ainsi qu'une statue paraît une expression du style burlesque, et les rangs au pluriel ne convient pas au singulier à qui vous adressez la parole :
     

Ferme dans votre rang, immobile, en silence,
L'œil assuré et fixé sur le, etc.