<53>Vainement ton cœur déplore
Tant de destins ennemis;
Quel noir chagrin te dévore?
A ton joug sois plus soumis :
Le bonheur, dès ton aurore,
Ingrat, te fut-il promis?
Le ciel à son gré dispense
Ses faveurs et son courroux;
Prosternés à ses genoux,
Il trompe notre espérance;
L'univers est pour nous tous
L'empire de l'inconstance.
L'orgueil au front insolent
Murmure des moindres peines;
Je vois dans ses plaintes vaines
L'effort toujours impuissant
D'un forçat faible et tremblant
Qui se débat dans ses chaînes.
L'ardeur de la passion,
Dans le printemps de la vie,
Au tendre amour te convie;
La superbe ambition
Succède à cette folie :
Mais tout n'est qu'illusion.
L'esprit humain, flottant dans son incertitude,
Se plonge tour à tour, sans règle, sans appui,
Dans les convulsions de son inquiétude,
Ou dans la léthargie où l'assoupit l'ennui.
Pourquoi tant de travaux et de soins inutiles?
Quoi! sans cesse l'erreur nous doit-elle éblouir?
Le temps s'enfuit, mortels, apprenez à jouir
De moments passagers et de plaisirs faciles.