ÉPITRE II. A HERMOTIME. SUR L'AVANTAGE DES LETTRES.
Écoutez, Hermotime, une amitié sincère
Remplit mon cœur pour vous des sentiments d'un père,
Votre bonheur a fait l'objet de tous mes vœux :
Ah! faut-il vous prier de vouloir être heureux?
Si j'ai hâté les fruits de votre tendre enfance,
Je vois, plein de douleur, dans votre adolescence,
Le cours impétueux de vos égarements;
Cet empire fatal qu'ont usurpé vos sens,
Le frein de la raison secoué dans un âge
Où d'horribles périls bordent votre passage,
Ces feux séditieux qui brûlent votre cœur,
Tout ce que je prévois, hélas! tout me fait peur.
Vous entrez dans le monde encor jeune et novice,
Et, marchant sur les pas des compagnons d'Ulysse,
Je vous vois prisonnier dans ce palais honteux
Où Circé transforma ses captifs malheureux.
C'est là que les plaisirs ont la voix des sirènes;
Leurs prestiges charmants, l'or dont brillent vos chaînes,
La licence, le bruit, la fausse liberté,
Vous tiennent engourdi dans votre oisiveté.