<80>Rend Damon soupçonneux, double, dur, inhumain;
Ivre de son pouvoir et plein de son système,
Il ne voit, ne connaît, et n'aime que lui-même.
Ce n'est plus ce berger gai, modéré, content,
Qu'un sort doux, mais uni, rendait compatissant;
C'est un riche écrasé du poids de sa richesse,
Qui porte au fond du cœur le dégoût, la tristesse.
Il aime son aisance, il trouve des travaux;
Il cherche des amis, il trouve des rivaux;
Il doit de l'avenir deviner le mystère :
L'événement douteux lui devient-il contraire,
Le public, prévenu contre l'infortuné,
Par un arrêt cruel l'a soudain condamné;
Tandis qu'il se consume à supporter ses peines,
Le temps, qui détruit tout, déjà glace ses veines.
Comme l'on voit souvent de jeunes libertins
Aux bachiques excès consacrant leurs festins,
Quand un sommeil heureux a cuvé leur ivresse,
Recouvrer au réveil l'esprit et la sagesse;
Ainsi, de son erreur rejetant le poison,
Damon retrouve enfin sa première raison;
Il maudit l'intérêt, la gloire et sa folie,
Et reprend ses moutons et sa première vie.
Philis, à son retour, la constante Philis,
Embrassant son amant, vit ses vœux accomplis;
Damon jouit en paix d'une heureuse vieillesse,
Et goûta des plaisirs que donne la sagesse.
Heureux qui, du bon sens pratiquant les leçons,
N'abandonna jamais Philis et ses moutons!
Les frivoles faveurs que fait la renommée
Sont quelques grains d'encens qui s'en vont en fumée;
Un corps sain, des amis, l'aisance, un peu d'amour,
Sont les uniques biens du terrestre séjour.
Ils sont autour de vous; mais, semblable à Tantale,
L'onde en vain se présente à sa lèvre fatale.
Le vrai bonheur est fait pour les cœurs vertueux.
Allez donc maintenant, avare, ambitieux,