<131>Qui tend à la perfection,
Limant, polissant son ouvrage,
Distingue la correction
De la satire et de l'outrage.
Ayez donc la bonté de ne me point épargner; je sens que je pourrai faire mieux, mais il faut que vous me disiez comment.
Ne pensez-vous pas que de bien faire des vers est un acheminement pour bien écrire en prose? Le style n'en deviendrait-il pas plus énergique, surtout si l'on est sur ses gardes de ne point charger la prose d'épithètes, de périphrases, et de tours trop poétiques?
J'aime beaucoup la philosophie et les vers. Quand je dis philosophie, je n'entends ni la géométrie ni la métaphysique. La première, quoique sublime, n'est point faite pour le commerce des hommes; je l'abandonne à quelque rêve-creux d'Anglais : qu'il gouverne le ciel comme il lui plaira, je m'en tiens à la planète que j'habite. Pour la métaphysique, c'est, comme vous le dites très-bien, un ballon enflé de vent.a Quand on fait tant que de voyager dans ce pays-là, on s'égare entre des précipices et des abîmes; et je me persuade que la nature ne nous a point faits pour deviner ses secrets, mais pour coopérer au plan qu'elle s'est proposé d'exécuter. Tirons tout le parti que nous pouvons de la vie, et ne nous embarrassons point si ce sont des mobiles supérieurs qui nous font agir, ou si c'est notre liberté. Si cependant j'osais hasarder mon sentiment sur cette matière, il me semble que ce sont nos passions et les conjonctures dans lesquelles nous nous trouvons qui nous déterminent. Si vous voulez remonter ad priora, je ne sais point ce qu'on en pourra conclure. Je sens bien que c'est ma volonté qui me fait faire des vers, tant bons que mauvais, mais j'ignore si c'est une impulsion étrangère qui m'y force; toutefois lui devrais-je savoir mauvais gré de ne pas mieux m'inspirer.
Ne vous étonnez point de mon Ode sur la Guerre;a ce sont,
a Voltaire dit cela de l'amour-propre, dans Zadig, et comme il est question de métaphysique quelques lignes plus bas, il se peut que le Roi ait confondu les deux passages.
a Voyez t. X, p. 29.