<163>Je confessais, et mon devoir austère
Sur certain point m'obligeait au mystère,
Lorsque mon roi, mon prince très-brutal,
Voulant savoir ce que je devais taire,
Me fit couper, dans ce séjour fatal,
La langue, afin d'assouvir sa colère,
De ce malheur je sus bien me moquer;
Et, pour un saint, plus ou moins d'une langue,
C'est moins que rien; on bavarde, on harangue,
Sans langue enfin on peut bien s'expliquer.
Vous le savez, la gente britannique
Très-clairement ce phénomène explique.18
Mais revenons à l'important sujet
Qui de là-haut m'a fait mettre en voyage.
Du paradis je partis comme un trait
Lorsque je vis faiblir votre courage,
Que mon héros si fort se lamentait.
Quoi! mon héros, disais-je, est catholique,
Et nous verrons un maudit hérétique
Barbarement le prendre en son lacet?
Car, quoique saint, eh! Dieu me le pardonne,
Je hais ces gens qui ne vont point au prône;
Ce sont coquins, sacriléges, félons,
Qui, brocardant et les saints et la messe,
Nous affublant de mauvaises raisons,
De nos autels ont éclairci la presse.
Je veux punir ces infâmes vauriens,
Et protéger votre race orthodoxe,
Mes chers Hongrois, mes chers Autrichiens.
Or, écoutez, ce n'est point paradoxe :
Si vous voulez dompter les Prussiens,
Bien vous gardez de déployer la force;
Trop mal souvent vous en êtes trouvés;
De la valeur appréhendez l'amorce.
18 La fille sans langue, qui parle, selon ce qu'en rapporte la Société royale de Londres.