<166>Odeur de saint se sentait en ce lieu;
Sa face était brillante de lumière.
Le pot en tête et la dague au côté,
Et s'appuyant sur sa longue rapière,
Il leur parla d'un ton de majesté :
« Mes chers amis, las de nous laisser battre,
A notre tour faisons le diable à quatre;
Car plus longtemps ne convient de souffrir
Les Prussiens chez nous, dans la Bohême.
Oui, j'ai trouvé, la nuit, un stratagème
Pour les chasser, même sans coup férir;
La nuit, un saint me l'a dit à moi-même. »
A ce discours, tout le monde se tut;
Mais tout à coup il s'élève un murmure,
Et Lobkowitz, voulant parler, dit : Chut!
Le bruit s'accroît, on parle sans mesure,
Tel qu'on entend quand, vers la Saint-Michel,
Le lourd Pierrot va troubler les abeilles.
En bourdonnant, l'essaim sort des corbeilles,
Et dans l'instant il obscurcit le ciel;
Pour l'apaiser en vain l'on se tourmente,
Il perd lui seul sa fureur insolente,
Et doucement rentre en sa ruche à miel.
Ces indiscrets alors ainsi parlèrent,
Et Lobkowitz contre eux très-fort fâchèrent.
Mais à la fois tous lassés de parler
Font succéder à cette irrévérence
Un très-profond et sévère silence,
Si grand, que tous ils purent écouter
Une souris dans la tente trotter.
Lors Lobkowitz leur dit : « Ayez donc honte;
Le bon Charlot vous fait un si bon conte! »
Mais tous les chefs criaient à se crever :
Qu'il dise donc ce qu'il a pu rêver!
Le bon Charlot, reprenant la parole, Dit :
« Ne prenez ce discours pour frivole;
Faut enlever du camp des ennemis