<168>« D'un si beau sang, princes, soyez avares;
S'il doit couler, ce n'est pas dans le camp.
Le sort pour vous tous deux qui se prépare
Est, leur dit-il, plus illustre et plus grand.
Ce médecin qui de chez nous ne bouge
Dans un moment à tous deux donnera
De l'ellébore ou de la poudre rouge,
Et le courroux bientôt s'apaisera. »
C'est sur ce ton que d'Aremberg parla.
Par ses propos, l'extravagant Spada
Les fit tous deux en même temps sourire.
Mais, cher lecteur, comment puis-je décrire
Comme le sang de Waldeck s'apaisa?
Comme la mer, après un long orage,
Brise ses flots sur le prochain rivage,
Ainsi Waldeck longtemps après gronda.
Le vieux Wallis, chargé de son grand âge,
Leur dit : « Jadis on était bien plus sage;
Quand de mon temps un conseil se tenait
Auprès d'Eugène, aucun ne remuait.
On écoutait dans un profond silence
Quand Starhemberg, qui longuement parlait,
A tout propos crachait une sentence.
J'ai même vu le conseil qui durait
Depuis l'aurore à l'autre matinée. »
- On y dormait? lui répliqua Spada.
- « Non, point du tout. Ce conseil s'assembla
Pour disposer de la grande journée
Où l'on battit nos gens près d'Almanza,a
Répond Wallis; on n'était point volage.
Jeunes héros, suivez l'ancien usage.
Le bon Charlot, qui nous a rassemblés
Pour haranguer dans un conseil de guerre,
Ne prétend point que l'ordre en soit troublé. »
Eh! qu'en dirait la Reine et l'Angleterre?


a Le 20 avril 1707. Voyez t. III, p. 111, et t. X, p. 314.