<169>Le duc saxona civilement répond,
Tirant le pied, faisant la révérence :
« Oui, bon seigneur, vous avez grand' raison.
Enlevons donc l'ambassadeur de France,
Aux Prussiens imprimons cet affront;
Car, en effet, avec notre canaille,
L'enlèvement vaut mieux que la bataille.
Et quant à moi, disciple de Luther,a
Je suis Charlot, fût-ce même en enfer;
Tous nos Saxons sont vos auxiliaires.
Que vos saints donc mènent nos gens de guerre. »
« Ah! jour de Dieu! dit le fougueux Waldeck,
L'œil enflammé, sans pudeur, sans respect,
Prince saxon, vous parlez comme un lâche.
Dans les repas vous faites le bravache,
Et, comme on sait, ne manquez par le bec;
Mais lorsqu'il faut payer de sa personne,
Vous évitez, prince, de ferrailler;
Les Prussiens vous font toujours plier.
Eh! quelle est donc cette affreuse Gorgone
Qui fait, Saxons, que votre cœur frissonne?
Que dira-t-on de nous dans l'univers,
Quand on saura que ces grands capitaines,
Et ces soldats qui remplissent ces plaines,
Assez nombreux pour dompter les enfers,
Se sont laissé blouser par certains rêves,
Qu'un farfadet renverse leurs esprits,
Et, n'employant la force ni le glaive
Pour terrasser leurs vaillants ennemis,
N'ont rien osé que par ruse et finesse,
Lâches secours dont s'arme la faiblesse,
Pour enlever un gros marquis français?
Ce bel exploit, si digne de mémoire,
Chez nos neveux vous comblera de gloire;
Le monde entier vous lâchera ses traits.
a Le Roi veut parler du feld-maréchal saxon Jean-Adolphe II, duc de Saxe-Weissenfels, né en 1685, mort en 1746. Voyez t. III, p. 124 et 189.