<179>Alors le saint auquel le mort se voue,
Pour soutenir sa réputation,
Au paradis le protége et l'avoue;
Et chaque saint ayant eu, de tout temps,
Dans notre monde un nombre de clients,
Jugez combien le ciel en ses murailles
Avait alors rassemblé de canailles.
Quant aux grands saints, c'étaient tous imposteurs
Qui, se forgeant eux-mêmes des oracles,
En vrais fripons opéraient des miracles
Dont on croyait les cieux mêmes auteurs;
Et la très-sainte et ridicule Église
Dévotement, par bref, les canonise;
Et les voilà comme saints reconnus.
Telle était donc alors la cour céleste :
Un composé de comiques abus,
Pour le bon sens nourriture indigeste,
Auxquels, ma foi, le monde ne croit plus.
Imaginez un amas de chanoines,
Prêtres, curés, mille sortes de moines,
Tous ensemble pêle-mêle entassés;
Imaginez, si vous pouvez, des anges,
Des chérubins, vers le haut bout placés,
Des séraphins, des trônes, des archanges,
Pour bien chanter de bonne heure châtrés;
Imaginez au milieu d'eux que brille
Du vieux papa la céleste famille :
Près de sa dextre on voit, avec son fils,
Une beauté, reine du paradis,
Beauté faisant enfants en son jeune âge,
Et conservant toujours son pucelage.
O mes amis! ah! que c'est bien dommage
Qu'on ait perdu dans nos jours tant maudits
De ces temps-là l'antique et bon usage!
On voit encor dans ce brillant taudis
Les quatre grands et les petits prophètes,
Quelques Hébreux, rasibus circoncis,