<181>Tout ce qui fut peut arriver encore;
Pourquoi c'est bien, lorsque rien on n'ignore,
Voyant le mal tout doucement venir,
De l'étouffer sans le laisser grandir.
Le roi des cieux ainsi, plein de prudence,
Prévint le mal; l'archange Michaël,
Ce courrier des choses d'importance,
Fut député vers le peuple éternel,
Pour l'amener d'abord à l'audience.
Les cordons bleus s'approchent le plus près
De ce grand roi, qui, mettant sa couronne,
Et s'apprêtant à lancer ses décrets,
Va se placer sur son immense trône.
Ce trône est fait d'argent, d'or et d'airain;
Et Belzébuth, à la forge infernale,
Le travailla de sa griffe au burin.
Il y grava l'aventure fatale
De sa révolte et de sa triste fin,
Par son exemple et son cruel destin
Avertissant tous les saints à cabale
De réprimer tout penser trop mutin.
Dans cette cour, tout comme dans une autre,
Légers y sont messieurs les courtisans;
Le saint nouveau, le martyr et l'apôtre
Y font aussi les fiers, les suffisants.
Le trône était négligé de ces gens;
Tous ces faquins de moines et de prêtres
Au paradis faisaient les petits-maîtres,
Disaient : « Ce trône est l'œuvre des méchants;
A l'hiéroglyphe on ne peut rien connaître.
Que des reliefs aillent donc se repaître
Nos songe-creux, nos docteurs, nos pédants. »
Mais cependant le divin interprète,
Tout boursouflé, sonnait de la trompette.
C'est là des cieux l'immortelle étiquette
Pour annoncer que le Roi veut parler,
Et que chacun des saints doit écouter.