<184>A vous ne tient de me faire enrager.
Si l'on m'échauffe, on me fera résoudre
A vous chasser bien loin de mes États,
A vous lancer ma redoutable foudre,
A vous proscrire, à vous réduire en poudre.
Mais, pour le coup, je ne le ferai pas.
Sachez du moins qu'en ces lieux pacifiques
Je ne veux point de vos trames iniques,
Que je puis seul régler comme il me plaît
Le sort humain, sans que l'on en raisonne.
A cet essaim de frelons qui bourdonne
J'enjoins ici, je commande et j'ordonne
D'être tranquille et d'être satisfait. »
Il dit; les saints, les yeux baissés sur terre,
Genoux tremblants, et joignant les deux mains,
Le dos courbé, craignant tous le tonnerre,
Au fond du cœur pestaient sur leurs destins.
Il se fit même un silence si morne,
Qu'on aurait dit que les saints, tant parlants,
Étaient muets, enchantés ou gisants.
Mais, comme à tout le temps met une borne,
Lorsque la peur se fut calmée un brin,
Le vieux babil reprit son ancien train.
Alors lui dit saint maître Borromée :
« Grand roi, souffrez qu'un de vos immortels
Ose parler. L'autrichienne armée,
Mon nom fameux, mon culte, mes autels,
Oui, tout s'en va dans ce jour en fumée,
Si ne voulez punir des criminels
Dont la fureur est contre eux animée.
Exaucez-moi. » - « Certes, il a raison,
Dit l'autre saint (c'était Népomucène);
Vous voulez donc, comme en votre maison,
Au pur hasard laisser notre domaine?
L'Autrichien respecte mes vertus,
Il n'est de saint, dans tout ce nombre extrême,
Qui reçut tant d'images, de tributs,