<185>Qu'en érigea pour moi seul la Bohême.
On sait là-bas ce qu'on doit à mon nom :
Voyagez-y; l'on y voit ma statue
Sur les chemins, même sur chaque pont.
Malheur, passant, à qui ne me salue!
Mais si jamais ces incrédules chiens,
Qui ne croient en vous, grand roi, qu'à peine,
Si, dis-je, un jour on voit les Prussiens,
Victorieux, chasser le bon Lorraine,
Qui diable alors ma fête fêtera?
Et vous, bon roi, vous-même prenez garde,
Car tout de bon la chose vous regarde.
Tout le premier on me ruinera,
Et dans ma niche on m'abandonnera;
Le Prussien, qui sur moi se hasarde,
M'ayant vaincu, sur vous se tournera. »
Il n'avait pas achevé sa harangue,
Lorsqu'en fureur lui dit saint Wenceslas :
« Tais-toi, fripon, déclamateur sans langue,
Vil ravisseur de mes anciens États.
J'étais moi seul patron de ce royaume,
Quand un beau jour, lâche, tu t'avisas
De m'imiter, faisant mon second tome,
Que, nouveau saint, tu t'impatronisas;
Alors mon culte à ton autel passa. »
Le doux Jésus, qui, tout surpris, l'écoute,
Dit : « Wenceslas, vous n'y voyez donc goutte?
Messieurs les saints, rengainez vos exploits;
Vous avez tous empiété sur mes droits.
Vous, des dévots avides parasites,
Avant le temps que miracles vous fîtes,
J'étais moi seul adoré des humains,
J'avais moi seul l'honneur des prosélytes.
Mais à présent on ne voit que des saints
Qui, se servant d'une ruse profonde,
M'ont enlevé le culte de ce monde. »
Le bon papa lui dit tout doucement :