<201>S'écria-t-il; et ce chien de Français
M'enlèvera dans ce jour, pour jamais,
D'une brillante et pénible entreprise
Tout le succès, par ma folle méprise!
Ah! malheureux, fourbe, qui que tu sois,
Ah! ravisseur de mon plus bel exploit,
Tu vas périr, et payer ma bêtise. »
Il dit, et tire un large coutelas,
Et le tournant trois fois dessus sa tête,
Cet inhumain, tout furieux, s'apprête
A lui jeter d'un coup le chef en bas.
Un vieux Hongrois tout doucement l'arrête :
« Je crois, Franquin, que vous n'y pensez pas.
Notre devoir exige qu'on amène
Chaque captif au camp du bon Lorraine;
Ménagez donc celui-ci tout exprès,
Car il nous peut révéler des secrets. »
Il dit; d'abord Franquin, quoique avec peine,
Fait un effort, se modère, et rengaine.
Mon cher lecteur, si tu prétends savoir
Si ce Hongrois n'était pas une sainte
Fort à propos usant de cette feinte,
Comme en avez dans ce livre pu voir,
Ah! pour le coup, il n'est en mon pouvoir
De l'expliquer; car dessus cette affaire
Mon chroniqueur sut prudemment se taire.
En remontant même jusqu'à Turpin,a
Sur ce sujet on n'éclaircirait rien :
Pensez-en donc ce qu'il vous plaît d'en croire.
Car ce fait-là ne fait rien à l'histoire.
Le dur Franquin changea d'abord de ton
Vers le badaud; ce féroce lion
Devint traitable et doux comme un mouton;


a Turpin, archevêque de Reims vers la fin du huitième siècle. On lui attribue la Vie de Charlemagne et de Roland, sans toutefois pouvoir appuyer cette conjecture sur aucun renseignement positif.