<207>Des yeux dont part une flamme éloquente;
En arc dessus se courbent ses sourcils;
Puis à baiser une bouche qui tente;
Quand le corail de sa lèvre charmante
Est séparé par l'amour et les ris,
Trente-deux dents de blancheur ravissante
Rendent les cœurs insensibles épris;
Ajoutez-y taille d'une déesse,
Un pied Cochois,a de Vénus la jeunesse;
Et telle fut la touchante beauté
Dont ces bandits s'étaient rendus les maîtres.
Elle parut au milieu de ces traîtres,
Avec un air rempli de majesté;
Et ces brutaux, sans nulle humanité,
Allaient d'abord se jeter sur leur proie,
Lorsque Franquin leur fit ce beau discours :
« Qu'à la douleur succède enfin la joie;
Consolons donc ce captif par l'amour.
Pour moi, d'ailleurs, j'en ai déjà de reste,
Et malgré moi me faut être modeste.
Voyez ce qu'est un honnête pandour.
A vous, Darget, sera cette pucelle;
Allez, cueillez cette rose nouvelle. »
Darget sentit l'aiguillon de la chair;
Mais il entend une voix lamentable :
Ah! juste Dieu! suis-je donc en enfer?
Oui, belle Aurore, en ce séjour coupable,
Franquin peut-être est pis que Lucifer.
« Ayez pitié, bon seigneur charitable,
De ma jeunesse et d'un sort déplorable,
Lui dit la belle, en tombant à genoux.
J'étais promise, et mon futur époux
Ne peut m'aider de son bras secourable :
a Dans son Épître à Sweerts (t. X, p. 195), le Roi parle de Marianne Cochois comme d'une des premières danseuses de l'opéra de Berlin : « Marianne, égale à Terpsichore. » Dans une lettre à Voltaire, du 18 décembre 1746, il la place à côté de la Barberina (t. I, p. XIV) et de la Haute-ville.