<211>Mon père fut, je crois, un inconnu
Qu'un feu secret rendit le bienvenu.
Malheureux fruit d'une illicite flamme,
On m'éleva bien loin de mes parents;
Puis, pour former de bonne heure mon âme,
Me retirant de chez honnêtes gens,
On me pourvut tout jeune d'une place
Dans un couvent, au collége d'Ignace;
Et là, sous l'œil d'habiles professeurs,
Je dus, seigneur, achever mes études.
Mais qu'un démon, auteur de mes malheurs,
M'y fit passer par des épreuves rudes!
On me trouvait quelque peu de beauté,
Et, dans l'esprit, de la vivacité.
Un professeur, écumant de luxure,
Me caressant avec malignité,
En m'amenant chez lui, dans sa clôture,
Me fit, un jour, offerte tant impure,
Que je lui dis avec sévérité :
Va, monstre affreux, tout couvert de souillure,
Dont les désirs révoltent la nature;
Cours dans l'oubli chercher l'impunité
De tes forfaits, de ta brutalité.
Bientôt un autre également m'entraîne;
Je le repousse un peu, je le rengaine.
Mais à la fin tant fondirent sur moi,
Que, n'ayant plus dans le couvent d'asile,
Et dans un âge encor tendre et débile,
Je me sentis intimider d'effroi.
L'un me disait : Ne savez pas l'histoire;
Vous y verrez des héros pleins de gloire,
Tantôt actifs et tantôt patients,
A leurs amis souples et complaisants.
Tel pour Socrate était Alcibiade,
Qui, par ma foi, n'était un Grec maussade;
Et tels étaient Euryale et Nisus.
En citerais, que sais-je? tant et plus,