<218>Contre un rocher, écueil inévitable,
Notre vaisseau, de toutes parts troué,
Tout fracassé, lors était échoué;
Poussé des flots, il tombe en mille pièces.
Mes compagnons aux cieux font des promesses,
A mon secours j'appelle mon patron;
Et saint Etienne, écoutant ma prière,
Me fait trouver le bout d'un aviron.
Pour cette fois je te tire d'affaire,
Me dit le saint, car tu portes mon nom.
Dessus ce bois pars à califourchon;
Mon vieux manteau te servira de voile,
Mon auréole, ô Darget, mon mignon,
Pour te guider, te servira d'étoile,
Ton cul adroit sera ton gouvernail. »
- « Bon saint, lui dis-je, il n'est pas temps de rire;
Plus de secours, un peu moins de satire.
Je vogue ainsi dans ce bel attirail;
Bientôt mon corps n'y pouvait plus suffire.
Tantôt couvert des vagues de la mer,
Et malgré moi buvant son sel amer,
Près de périr par un nouveau naufrage,
Je fus poussé sur le prochain rivage;
Et n'étant guère éloigné de ce bord,
Me recueillant par un dernier effort,
Je gagne enfin l'Angleterre à la nage.
Qu'on est heureux de retrouver le port! »
Franquin s'écrie : « Oui, c'eût été dommage
De toi, badaud, babillard indiscret!
De te noyer le saint aurait bien fait.
Poursuis toujours. » - « Mes compagnons périrent,
Jamais, ô ciel! mes yeux ne les revirent;
Peut-être ils sont mangés par les harengs;
Ils sont damnés, ils sont morts sans confesse.
Quant à mon saint, je lui tins ma promesse,
Et lui donnai deux cierges des plus grands.
Puis, pénétrant dans ces lieux pacifiques,