<23>Qui de vos yeux nous décoche ses traits,
De ces beaux yeux s'enfuira pour jamais.
Jeune beauté paraît toute adorable,
Vieille guenon du public est la fable.
De vos vieux jours je plains l'affliction :
Il n'est alors aucun moyen de plaire,
Hors que ce soit la conversation;
Mais sans esprit comment y brille-t-on?
Vieille bégueule, ennuyeuse commère,
En ne faisant que contes de grand'mère,
N'attire pas la foule des chalands;
Du vestibule, une odeur pestifère
Dégoûtera vos tristes courtisans
De l'air impur, de l'affreuse atmosphère
Que sans relâche exhale le cautère.
Dieu sait comment les Chasotsa de ces temps,
Les damerets, les jeunes Ferdinands,b
Gens nés moqueurs et très-peu charitables,
Plaisanteront vos faces vénérables,
Quand, requinquant vos spectres ambulants,
Il vous plaira de faire les aimables.
Oui, votre porte ouverte à vos galants
Par leur concours ne sera plus usée,
Vous en serez la fable et la risée,
Et je vous vois regretter les rigueurs
Dont à présent, exerçant vos caprices,
Vous dédaignez cette foule de cœurs
Dont vos amants vous font les sacrifices;
Et je prévois que vos attraits usés,
Voyant déchoir leurs folles espérances,
S'humilieront à faire des avances
A ces amants à présent méprisés,
Mais vainement, car la rouille de l'âge
Du tendre amour ne reçoit plus d'hommage.
a Voyez t. III, p. 129 et 160, et t. X, p. 217.
b Voyez t. X, p. 136.