<234>Ce monstre affreux, en courant le pays,
Arrive enfin auprès du gros marquis.
Tout doucement la diabolique fée
S'en approcha, pour lui donner conseil;
Le gros marquis, dans les bras de Morphée,
Dormait encor d'un tranquille sommeil.
Le monstre alors dessus son chef s'élève;
Il apparaît sous la forme d'un rêve :
« Souffrirez-vous, Valori, de sang-froid,
Que de chez vous on enlève Darget?
Qu'un vil pandour, hardi, plein d'insolence,
Outrage et vous, et Darget, et la France?
Aux Prussiens, sans nul autre détour,
Courez, volez, et demandez vengeance;
Que tous leurs bras vous donnent leurs secours.
Que Darget soit au ciel ou chez le diable.
Faites ici vacarme épouvantable,
Et conservez l'inaltérable espoir
Qu'on saura bien vous le faire ravoir. »
Le monstre dit; et de sa chevelure
Il arracha l'un des plus grands serpents,
Le fait glisser sans bruit, sans sifflement,
Sur Valori; bientôt la bête impure,
En repliant ses anneaux tortueux,
S'entortillant à l'entour de sa proie,
Remplit son cœur de ses poisons affreux.
Le monstre en sent une cruelle joie,
Et satisfait de ses heureux succès,
Il s'envola pour de nouveaux projets.
Tout en sueur, le marquis se réveille,
Et le poison excitant ses fureurs,
L'emportement l'oppresse et le conseille;
Il ne respire et que sang, et qu'horreurs.
Comme en Afrique une lionne en rage,
Ayant perdu ses jeunes lionceaux,
De hurlements fait retentir la plage,
Et, déchirant les nègres par lambeaux,