<236>On choisit donc héros fins et rusés,
Ce qu'on avait au camp de moins maussade,
Longs harangueurs, toujours argumentant,
D'un air flatteur eux-mêmes s'écoutant.
On griffonna une créance honnête,
On en chargea les trois ambassadeurs;
Camasa parut tout brillant à leur tête.
Il part, comblé de ces nouveaux honneurs,
En se flattant qu'un très-court intervalle
Lui suffirait pour ramener au camp,
Comme il croyait du moins selon son plan,
Le bon Darget en pompe triomphale.
Mais la Discorde, observant ses desseins,
Et de fureur se sentant animée,
Vole soudain par devers l'autre armée.
Proche du camp, dans un bosquet, dehors,
Elle quitta d'abord ses noires ailes,
Se dépouillant de son difforme corps,
De ses tisons, de ses serpents fidèles,
Et de ses yeux cruels, étincelants,
Et de ses bras encor tout dégouttants
De cent forfaits et de cent parricides.
Dessus son chef croissent des cheveux blancs,
Et sillonnant son visage de rides,
Elle prend l'air et le ton de Wallis;
Devant Charlot aussitôt se présente,
Qui, bagnaudant, s'amusait dans sa tente
A chatouiller de jeunes étourdis.
« Prince, dit-elle, est-ce là notre attente?
Quand vos projets prennent un train de chien,
Que vous voyez tromper votre espérance,
Dans des sujets de pareille importance
Vous badinez, et ne pensez à rien?
On n'a point pris de l'armée ennemie
a Le colonel de Camas, que le Roi met ici en scène, ne vivait plus; il était mort à Breslau le 14 avril 1741. Voyez, ci-dessus, p. 23, l'Épître IV, adressée à sa veuve.