<242>Qu'également la roture commune,
Comme un boyard, parvient à la fortune.
Si mon destin, dans un moment fatal,
Ne m'eût planté, j'y serais général.
Une princesse, enfin, que je ne nomme,
S'amouracha de Franquin, Dieu sait comme.
Je fis le fier, quoique très-bien venu,
Appréhendant de me rendre connu;
Car bien savez, je pense, l'étiquette
De nos rabbins, et comme l'on nous traite
D'une façon que, de nuit ou de jour,
Le pauvre juif se décèle en amour.
Ce seul penser m'empêcha de me rendre;
Et ma princesse, en entrant en fureur,
Dès ce moment résolut, sans m'entendre,
De préparer ou hâter mon malheur.
Alors mourut la bonne Catherine,
Tout augmenta les troubles intestins;
L'État dès lors pencha vers sa ruine,
Trois fois je vis changer les souverains.
Pour mon malheur, la nouvelle czarine,
L'œil enflammé, me fit mauvaise mine;
Le lendemain un courtisan discret,
A son discours clouant une préface,
Me dit : Franquin, voyez la belle grâce
Que la Czarine en ce moment vous fait :
Vous devenez son bouffon par brevet.
A ce discours, perdant la tramontane,
Sur le boyard je fonds avec ma canne;
Et le brevet en pièces déchirant,
Je lui jetai les morceaux au visage,
Hors du logis le conduisant battant,
Tant qu'en rumeur en vint le voisinage.
L'on me saisit, et me met en prison,
Des coups de knout je reçus à foison;
Puis l'on me dit, je crois par moquerie :
De la Czarine admire la bonté;