<39>Le luth d'Anacréon, le compas d'Uranie,
Les sombres profondeurs de la philosophie,
Toutes les fleurs et tous les fruits
Chez vous se trouvent réunis.
Pardon à votre modestie :
Tant de sortes d'esprit, tant de talents divers
Réveillent ma muse endormie;
Je ne puis plus m'en taire, il faut que je vous die,
Et par ma prose et par mes vers,
Que vous valez tout seul toute une académie.
Mais quoi! dans le transport dont mon esprit est plein,
Amant de tous les arts, ma timide paupière
Verra-t-elle en un jour achever leur carrière?
Quoi! leur brillante aurore et leur fatal déclin
N'auront duré qu'un seul matin!
La mort sèche et livide arme sa main tremblante,
Je vois sa faux étincelante
Menacer fièrement la trame de vos jours.
Ah! de ta fureur dévorante,
Barbare, au moins suspends le cours.
Des enfants d'Hippocrate un funèbre cortége
Vous tient au lit et vous assiége
Par ses drogues et ses onguents,
Se perd en ses raisonnements,
Abuse ses dévots, et ne vous trompe guère :
Aux superstitieux Lucrèce fit la guerre,
Vous la faites aux charlatans.
Eh quoi! l'homme d'esprit, comme l'homme vulgaire,
Est donc assujetti sous l'empire des sens?
Hélas! il est trop vrai, l'homme est bien peu de chose,
Et s'il s'épanouit comme une fraîche rose,
Il se fane au souffle des vents :
Un fragile tissu de fibres diaphanes,
De subtiles ressorts, de débiles organes
De nos jours fugitifs sont les faibles garants;
L'artiste arrangement de ce frivole ouvrage
Est l'œuvre d'un auteur plein d'ostentation,